4 1 P de Payroll Giovanni

Dans le Sud Ouest de Détroit, les files de BMW série 6 remontent Michigan Avenue comme un mille pattes géant. Ces carrosseries blanches stationnent généralement aux alentours du 6609, là où s’ouvrent les portes du Sting, un des clubs les plus réputés de la ville. Les pilotes sont assortis, entre eux et à leurs voitures. Montres Rolex, lunettes Cartier en corne de buffle, chaines BYLUG et manteaux de fourrure. Absolument tout est couleur neige éternelle. Les Doughboyz Cashout ont pour habitude de ne rouler et trainer qu’en couleur unie, et ne sortent qu’en blanc quand l’hiver arrive. La tradition remonte à il y a plus de quinze ans, à l’époque où dans leurs quartiers de l’Ouest, Blade Icewood faisait mesurer sa réussite en alignement de véhicules.

Leader de ces Doughboyz Cashout, Payroll Giovanni s’est éloigné de la Fenkell Avenue où il a grandit, et comme Blade Icewood en son temps, vit aujourd’hui dans la banlieue périphérique de Détroit. Son rêve est de partir encore plus loin, de profiter du succès de sa musique pour rejoindre les studios d’Atlanta ou de Los Angeles, et d’oublier l’effondrement de sa ville natale.

Sur Stack Season les samples g-funk givrent, la TR-808 est glaciale et les rythmes bounce gèlent sous l’air de Détroit. Les 400 Degreez de Juvenile y sont devenus négatifs, les barbecues alcoolisés de King Tee reprennent place dans des jardins d’hiver et les gagneuses de Dru Down tapinent sous la neige. Mais surtout, Payroll affiche de toutes parts ses rêves de légalité, et son ambition de reléguer les broutilles de la rue aux oubliettes.

Deux ans plus tard, l’aura de Payroll Giovanni est en passe de surpasser celle de Blade Icewood. Sur PayFace on croirait qu’il s’adresse à Icewear Vezzo et ses semblables – sans directement les nommer – en affichant son mépris pour ces collègues qui ressemblent à des toxicomanes et n’arrivent pas à sortir des petites rues de Détroit. Flambeur magnifique au flow plus orthodoxe, il rappelle le jeune Jay-Z et tous ces ex-gangsters devenus hommes d’affaire dans les années 1990. Le parallèle entre le titre de ses albums et les rôles d’Al Pacino n’est d’ailleurs pas anodin, et après Tony Montana, son futur album studio fera référence à la fuite de Carlito Brigante en s’intitulant Giovanni’s Way.

En piochant dans la réserve de samples des beatmakers de la côte Ouest, Payroll Giovanni apporte un peu de soleil à ses productions et affirme son envie d’ailleurs. Avec la série desBig Bossin’, entièrement produite par Cardo, il s’est même entièrement mué en rappeur californien, laissant complètement tomber les sonorités de sa ville pour un g-funk classique. Il est clair que pour lui, la réussite est synonyme de retraite sur la côte Pacifique.

Le 1er juin 2018, Payroll Giovanni revient au son de Detroit pur et dur avec 4-1 P, un album surprise entièrement produit par lui-même. No Bullshitting, de retour dans sa ville, la peau bronzée par ses vacances en Californie, Payroll distribue les bons points et les punitions, sépare le grain de l'ivraie. De plus en plus, il a des allures de patron, des faux airs d'un Jay-Z de la fin des années 1990, qui n'aurait jamais troqué sa panoplie de baron de la drogue contre celle de la pop star. 

C'est officiel, Payroll Giovanni est le seul et l'unique patron de ce Michigan enneigé.

4-1 P, disponible sur toutes les plateformes à partir du 1er juin 2018.

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