LIL YACHTY RIEN A PROUVER

Avec son sourire multicolore et ses cheveux rouges, Lil Yachty est d’un genre aussi loufoque qu’ordinaire dans le rap. Ce type de personnage cartoon est paradoxalement une sorte de super vilain, accusé par les conservateurs de tuer la « culture » et de ne pas prendre la musique au sérieux. Dans les faits, ils sont souvent des innovateurs et des briseurs de règles, qui déforment les contours du rap. Mais est-ce réellement le cas de Lil Yachty ? Il est bien l’enfant de trois rappeurs que l’on peut classer dans cette catégorie : ses mélodies sont celles du Chief Keef de Macaroni Time et son côté swag rap très décomplexé lui vient de Soulja Boy. Quant à sa dimension « art total », son vocabulaire, ses concepts et sa positivité, ce sont des héritages de Lil B. La dualité entre Lil Yachty et Lil Boat rappelle Lil B et le Based God par exemple, et quand il improvise à l’infini jusqu’à parler de violon en pensant à une flûte, il s’inspire des based freestyles où se croisaient dauphins lesbiennes et sosies de Mel Gibson.

Les influences de Yachty sont des briseurs de règles mais c’est précisément ce qu’il manquait à sa musique. Une fois n’est pas coutume, un weirdo offrait un rap rigolo mais convenu. D’une certaine manière, Lil Yachty personnifiait d’avantage le bilan d’une époque plutôt que l’ouverture vers une nouvelle. C’est d’abord son histoire qui était mise en avant, la mignonne success story d’un adolescent farfelu qui rêve de devenir star. Comme Playboi Carti, il était autant rappeur que personnage de sitcom.

Son premier album "Teenage Emotions" est construit comme les longs métrages Looney Tunes, où Bugs Bunny et Daffy Duck envahissent les studios d’Hollywood pour s’immiscer dans le film des autres. Sur chaque chanson Lil Yachty entre dans l’album de quelqu’un qu’il prend comme modèle : Lady In Yellow pour Rae Sremmurd, Peek A Boo pour Migos, No More pour Kanye West ou X Men pour Lil B. Dans ces pastiches, il s’amuse avec les codes comme un bébé qui dessine avec un crayon trop gros pour ses petits doigts. On peut lui reprocher de ne rien faire de neuf, mais impossible de nier le côté fun de son album. En ignorant le ridicule, il n’est pas l’abri de beaux accidents donnant naissance à des chansons imparables. Parfois à la frontière de l’inécoutable, mais juste à la frontière, les productions loufoques et ses freestyles régressifs n’ont pas d’autre but que de nous amuser.

Depuis cet album moyen, la musique de Lil Yachty est de plus en plus intéressante. Grâce à un choix de production aussi abrutisantes qu'expérimentales, volontairement répétitives et bruitistes, il s'est finalement construit son propre monde. Lil Boat 2, sorti plus tôt cette année, contient déjà quelques folies électroniques et dissonantes comme COUNT ME IN produit par Pierre Bourne ou l'incroyable DAS CAP, agissant sur le cerveau comme un buvard d'acide. Son nouvel album, Nuthin 2 Prove, continue sur cette lancée, avec en prime un retour des mélodies sucrées de dessin animé que l'on retrouvait sur ses premiers singles.

En poursuivant sur ce site, vous acceptez l'utilisation de Cookies pour vous actualiser votre panier et réaliser des statistiques de visites.

En savoir plus
J'accepte
Produit ajouté au comparateur